Dirigée par Thierry Le Goff, SG. La ministre démissionnaire n’assiste pas à la réunion car actuellement « en cours d’échange » avec Mayotte.
Pour le SNALC : Guillaume LEFÈVRE, président du SNALC La Réunion – Mayotte, et Marie-Hélène PIQUEMAL, vice-présidente.
LE THÈME
Cette réunion rassemble les OS et représentants des 3 CSA ministériels : Éducation nationale, Supérieur et recherche, Jeunesse et Sports, afin de faire le point sur la situation à Mayotte après le passage du cyclone.
L’ESSENTIEL
- La situation est suivie depuis avant l’arrivée du cyclone, par anticipation. Le contact est repris progressivement avec l’ensemble des CE mais il est difficile de joindre une partie des directeurs 1D (vacances scolaires, réseaux de communication endommagés). Pas de personnels parmi les 22 victimes déclarées à J+5.
- Un n° vert a été mis en place pour recueillir les besoins, aider au recensement et bénéficier d’une écoute et d’un soutien psy : 0800 710 170.
- Est-ce que les personnels sur place peuvent rentrer ? Aujourd’hui, pas de réouverture de ligne commerciale, seuls les avions militaires se posent. Seuls les blessés ou personnels malades ou handicapés nécessitant des soins particuliers sont évacués. Il faut attendre. Des listes circulent pour les candidats au départ… qui n’émanent pas du MEN, ni de l’Intérieur. Nous reviendrons sur les sujets de mobilité, peut-être avec une loi spéciale ?
- D’après la cellule interministérielle de crise (CIC) : 9 000 personnes étaient confinées ailleurs qu’à domicile, surtout dans des établissements scolaires.
- Les risques actuels : pénurie d’eau, de nourriture. L’usine de désalinisation recommence à produire de l’eau (à 80 %), mais les réseaux de distribution ne sont pas remis en état. Nord de l’île le + touché
- Santé : pas de risque d’épidémie, mais des risques infectieux, surveillés par l’OMS : tests biologie, stocks médicaments. Récente épidémie de choléra.
- 1 400 personnes de la sécurité civile et militaire ont été « projetées », 230 tonnes livrées en nourriture et eau. Rotations aéroportuaires et bateau, depuis La Réunion. Envoi de matériel. 3 barges sur 5 refonctionnent. On va mettre en œuvre un canal de mobilisation pour permettre aux bénévoles de venir aider.
- Côté MEN et J&S : 221 écoles + 22 collèges + 11 lycées. 10 000 personnels, dont 8 700 enseignants, et 115 000 élèves. 40 % des écoles et établissements sont endommagés, voire inutilisables. Les lycées qui ont résisté servent de centres d’hébergement, y compris pour les personnels militaires et sécurité civile. 2 collèges se sont effondrés récemment en raison de l’imprégnation de l’humidité et des glissements de terrain.
- Une cellule de crise a été mise en place au rectorat, mais ces agents aussi sont, comme les autres, en état de choc.
- Quelle rentrée scolaire ? quand et comment ? La date du 13 janvier sera difficile. Plusieurs scenarii envisagés. On se pose la question des renforts pour certaines équipes (rectorat notamment). Quel type de matériel faut-il acheminer ?
- Identifier les candidats aux concours (250 environ), dont agreg interne, perdir… à traiter prioritairement (seraient déplacés vers La Réunion ou métropole ?).
- Beaucoup de tentatives de vols, de pillages, comme partout ailleurs : les établissements ne sont plus protégés.
- On cherche des solutions, y compris de recensement. C’est la priorité absolue de les sécuriser, leur donner de l’eau.
LE SNALC A INSISTÉ SUR…
- Salue l’initiative de cette réunion, et le besoin d’échanger régulièrement sur l’évolution de la situation.
- De nombreux collègues nous ont contactés car ils sont dans le strict dénuement : ils ont tout perdu et sont sidérés, avec un sentiment d’isolement ; ils nous posent beaucoup de questions que nous relayons.
- Malgré tout, on voit un élan de solidarité, d’entraide, pas seulement entre agents, mais entre humains : déblayer les maisons, les routes, permettre de manger et boire. La solidarité des agents « entre humains » et leur engagement se constatent bien au-delà de ce qu’on attendait d’eux dans leur mission ordinaire : quelle reconnaissance pour ces agents ?
- Un air de déjà-vu dans le drame (St-Martin, Nouvelle-calédonie…), mais en bien pire, car à partir d’une situation déjà fortement tendue et dégradée avant le cyclone. Mayotte est une académie qui a été abandonnée. On n’accepterait jamais ces situations courantes de 1500 ou 1900 élèves dans des collèges à capacité à 600 dans l’hexagone !
- Beaucoup d’enseignants à Mayotte sont des Réunionnais, ils ont pu partir avant pour les vacances, certains sont encore sur place, d’autres sont à LR, se posent bcp de questions. La séparation avec les familles est difficile à supporter. Ceux qui ont fait une demande pour quitter Mayotte seront-ils traités « normalement » et non retenus au vu des circonstances ? À La Réunion, nos collègues mahorais voudraient revenir à Mayotte pour aider les familles : auront-ils la possibilité d’y rester + longtemps ? Il y a aussi ceux qui veulent annuler leur demande de mutation pour Mayotte… Pouvez-vous garantir qu’il y aura un rapatriement ? Comment identifier ces personnes ? Il y a un enjeu humain qui se comprend, notamment avec la volonté de mettre à l’abri les familles, ou de les rejoindre.
L’AVIS DU SNALC
En réalité, si cette réunion s’est tenue à la demande des OS, le Ministère semble n’avoir pour le moment aucune réponse, aucune solution : pas de décision, ni d’engagement, au motif notamment qu’il faut coordonner l’action en interministériel et harmoniser les éventuelles mesures. Pourtant, les questions étaient très nombreuses et légitimes, et le sentiment d’abandon accru. Que dire à nos collègues qui ont tout perdu ? Comment les recenser, les aider ? Comment rassurer ceux qui ont peur et prennent des risques en cherchant de l’eau ? Quelle solution pour l’hébergement ? pour les blessés ? contre les risques d’infection, etc. ? Comment optimiser le recensement ? À J+5, on a le sentiment que les choses n’avancent pas.
Dans cette situation, la question de la rentrée et de la continuité pédagogique semble déconnectée. Ce n’est pas ce qu’attendent les agents dans l’immédiat. Certes, les élèves représentent un tiers de la population et, pour le ministère, les enfants seraient mieux à l’école que dans la rue… Mais avant cela, l’urgence est au recensement, à la distribution d’eau et de nourriture, aux soins, à la mise à l’abri et en sécurité des personnes et des biens.
La reconstruction nécessitera un réel effort financier par l’État, pour ne pas retomber dans des solutions bricolées inacceptables. Le soutien et l’accompagnement devront s’inscrire dans la durée pour que, passé l’effervescence des médias et des images, Mayotte ne retombe pas dans l’abandon et l’oubli.