« …une fois encore, le ministre de l’Éducation nationale, son rôle n’est pas de venir faire ponctuellement une recommandation pédagogique à des enseignants qui, je vais le dire, connaissent leur discipline mieux que lui. … »
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC

Gabriel Attal, qui publie […] une tribune dans le journal Le Monde intitulée “Je crois aux forces de l’écrit” […], demande notamment l’abolition des textes à trous et la mise en place d’un test de rédaction à l’entrée de la 6e…

Jean-Rémi Girard, président du SNALC,  réagit sur France Inter le 15 septembre  2023

France Inter

L’abolition des textes à trous et un test de rédaction à l’entrée en 6e, le ministre de l’Éducation veut mettre le paquet sur l’écrit à l’école. Nous serons en ligne avec Jean-Rémi Girard, président du SNALC, le syndicat national des lycées et collèges. Ça tombe bien, il est professeur de français. On parlera de cette longue lettre, de cette longue tribune publiée par Gabriel Attal dans le journal Le Monde.

[…]

Autour de 200 postes restent à pourvoir dans les collèges et les lycées, dit aujourd’hui Gabriel Attal, 155 à l’école primaire, ajoute le ministre de l’Éducation nationale. De quoi au moins étonner les syndicats d’enseignants. Lundi, dans un sondage réalisé auprès de 500 établissements, il manquait en moyenne un enseignant dans la moitié des collèges et des lycées, mais selon le ministère, cette étude ne distingue pas les postes non pourvus des absences ponctuelles des professeurs qui ont vocation, je cite, à être remplacées rapidement. Gabriel Attal, qui publie par ailleurs ce soir une tribune dans le journal Le Monde intitulée “Je crois aux forces de l’écrit”, fait un clin d’œil à peine voilé à la fameuse phrase de François Mitterrand. Dans ce texte, Gabriel Attal répond à la lettre ouverte publiée il y a quelques jours dans le même journal par de nombreuses personnalités, dont des écrivains, qui lui demandaient précisément de redonner à l’écrit ses lettres de noblesse. Le ministre de l’Éducation nationale demande notamment l’abolition des textes à trous et la mise en place d’un test de rédaction à l’entrée de la 6e, ce qu’il a d’ailleurs répété également lors d’un déplacement dans une école primaire de l’Eure-et-Loir. Aujourd’hui, que faut-il en penser ? On pose la question à Jean Rémi Girard. Bonsoir.

Jean-Rémi Girard

Bonsoir.

France Inter

Vous êtes le président du SNALC, le syndicat national des lycées et collèges. Vous êtes vous-même professeur de français, donc j’imagine que vous êtes sensible à cette initiative du ministre, plus de textes à trous dans les apprentissages au cours moyen et au collège, dit Gabriel Attal, qui demande que cela s’applique dès cette année. Vous comprenez cette recommandation, Jean Rémi Girard ?

Jean-Rémi Girard

Non, pas particulièrement. D’une part, il y a quand même la liberté pédagogique des enseignants qui est garantie par la loi, donc ce n’est pas le ministre dans une tribune qui peut venir changer quoi que ce soit à cela. Ensuite, les textes à trous, ce n’est pas forcément la panacée, et effectivement, ce n’est pas une très bonne idée d’en abuser probablement, mais très ponctuellement, ce n’est pas forcément complètement idiot. Enfin, une fois encore, le ministre de l’Éducation nationale, son rôle n’est pas de venir faire ponctuellement une recommandation pédagogique à des enseignants qui, je vais le dire, connaissent leur discipline mieux que lui.

France Inter

Le ministre, qui avait déjà demandé il y a quelques jours 2 heures par jour consacrées à la lecture en CP ainsi qu’un texte écrit par semaine en CM2, interfère trop dans le travail des enseignants. En gros, c’est ce que vous nous dites ?

Jean-Rémi Girard

Ça fait beaucoup d’écumes médiatiques en fait, parce que c’est très joli de dire ça, ça ne va pas forcément changer les pratiques dans les classes où l’on fait lire les élèves en CP étonnamment et où l’on fait écrire les élèves en CM2. Maintenant, il faut voir dans quelles conditions on le fait. C’est-à-dire que le CM2, ce sont souvent des classes qui sont très chargées, ce sont souvent des classes qui peuvent être de plus en plus difficiles avec beaucoup d’adaptation individuelle à faire avec des élèves qui ont différents plans d’accompagnement. Effectivement, les enseignants font, j’allais dire, ce qu’ils peuvent et ils ne vont pas forcément être aidés par une nouvelle injonction par semaine qui leur tombe dessus. Si on veut faire un travail sérieux, et nous, au SNALC, on est prêt à faire un travail sérieux sur les programmes de français. Et bien justement, il faut qu’on travaille sur les programmes, puisque c’est le texte commun à tous les enseignants de France, donc travaillons sur les programmes, voyons s’il y a des choses qui peuvent être améliorées, à partir de là, on peut travailler sur la formation initiale des enseignants et essayer d’avoir de la formation continue parce qu’on n’en a pas beaucoup dans ces domaines-là, mais ça ne sert à rien de faire une grande tribune dans Le Monde pour dire “on va interdire les textes à trous”, ça n’a pas d’intérêt en fait.

France Inter

Le ministre, toujours dans cette tribune, dit également qu’il veut créer dès cette année un double concours national d’écriture pour les élèves en fin de primaire, en fin de collège, et même un pour les enseignants, dont je le cite, “le talent mérite d’être mieux reconnu.” Qu’en dites-vous ?

Jean-Rémi Girard 

Alors, pour les élèves, il y a déjà des tas de concours d’écriture qui existent, ce n’est peut-être pas la peine d’en créer un nouveau. Pour les enseignants, s’ils veulent reconnaître notre talent, moi je pense qu’une augmentation salariale serait plus justifiée qu’un concours. Accessoirement, mes collègues et moi avons déjà passé un concours, on n’a pas besoin de faire un concours d’écriture pour l’Éducation nationale, de toute façon, on n’a pas le temps.

France Inter

À bon entendeur pour l’augmentation de salaire. Merci beaucoup. Jean-Rémi Girard, président du SNALC, merci d’avoir répondu aux questions de France Inter.

« … s’ils veulent reconnaître notre talent, moi je pense qu’une augmentation salariale serait plus justifiée qu’un concours. Accessoirement, mes collègues et moi avons déjà passé un concours, on n’a pas besoin de faire un concours d’écriture pour l’Éducation nationale, de toute façon, on n’a pas le temps… »
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC