« …Et effectivement, c’est très compliqué, parce que dans les collèges par exemple, personne ne sait comment ça va se mettre en place toujours. Ces fameux groupes de niveau en sixième et en cinquième, il n’y a pas les moyens horaires. Et voilà, il y a tellement de questions et pour le moment, il n’y a tellement pas de réponses. »
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC
La nouvelle équipe gouvernementale se met au travail avec Nicole Belloubet au ministère de l’Éducation nationale. Un bonne nouvelle pour les enseignants ?
Jean-Rémi GIRARD, président national du SNALC (syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur), réagit sur France Bleu le vendredi 9 février 2024.

France Bleu – Wendy Bouchard

C’est une nouvelle équipe gouvernementale qui se met au travail depuis l’annonce du gouvernement complétée hier soir. Cela a pris du temps pour choisir les meilleures personnes au bon endroit, comme l’a justifié hier Gabriel Attal sur France 2. Sauf que le casting fait grincer des dents du côté de la santé ou du logement, nous allons en parler. En revanche, soulagement du côté des enseignants. Vous les représentez en tant que professeur de français et président du SNALC, votre syndicat. Bonjour Jean-Rémi Girard.

SNALC – Jean-Rémi Girard

Bonjour Wendy Bouchard.

France Bleu – Wendy Bouchard

Amélie Oudéa-Castera perd le portefeuille de l’Éducation nationale. Écoutons les explications de Gabriel Attal et vos commentaires à ce sujet.

Premier ministre – Gabriel Attal

« Moi, ce qui m’importe le plus, et je sais que c’est ce qui lui importe aussi, c’est qu’on puisse avancer pour l’école, et donc les conditions pour pouvoir avancer pour l’école n’étaient plus réunies dans l’immédiat. »

France Bleu – Wendy Bouchard

Et maintenant, Jean-Rémi Girard, nous avançons ?

SNALC – Jean-Rémi Girard

Oui, nous avançons lentement puisque toutes les réunions qui étaient prévues sont du coup annulées. En fait, nous repartons de zéro. Nous avons changé de voiture, fait un petit arrêt au stand et reprenons.

France Bleu – Wendy Bouchard

Cela vous fait sourire parce qu’il y a tellement de gros chantiers qu’à un moment donné, cela vous paraît risible.

SNALC – Jean-Rémi Girard

Oui, parce qu’en plus, nous sommes dans la pire période de l’année dans l’Éducation nationale. C’est le moment des dotations horaires dans les collèges et les lycées, où l’on prépare la rentrée de septembre, et nous en sommes à deux ministres qui viennent de passer. Et effectivement, c’est très compliqué, parce que dans les collèges par exemple, personne ne sait comment ça va se mettre en place toujours. Ces fameux groupes de niveau en sixième et en cinquième, il n’y a pas les moyens horaires. Et voilà, il y a tellement de questions et pour le moment, il n’y a tellement pas de réponses.

« Mais il y a un point, c’est qu’effectivement, le fait qu’elle soit une ancienne rectrice, elle va pouvoir comprendre beaucoup plus vite les problèmes qu’on a sur l’organisation de la rentrée scolaire dans les collèges, par exemple. Ça, on ne va pas avoir besoin de lui expliquer pendant des heures et des heures. Elle va normalement tout de suite piger. Donc, au moins, on pourra peut-être faire les constats plus facilement…. »
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC

France Bleu – Wendy Bouchard

Et Nicole Belloubet qui souhaite l’instauration, ça va peut-être vous rassurer, très rapide dit-elle ce matin lors de sa passation de pouvoir d’un dialogue avec les enseignants, avec vous aussi syndicats, elle qui sera en charge de mettre en place le choc des savoirs que souhaitent Gabriel Attal et Emmanuel Macron pour l’école, et donc notamment vous en parliez, l’application de cette mesure à laquelle tient mordicus le Premier ministre, les groupes de niveau.

Premier ministre – Gabriel Attal

Les groupes de niveau vont commencer à se mettre en place. J’assume de dire que cette mesure est nécessaire. Aujourd’hui, il y a une telle hétérogénéité, un niveau tellement différent dans nos classes au collège que beaucoup d’enseignants m’ont dit, lorsque je me suis déplacé, que cela devient très difficile de faire progresser tout le monde. Quand vous avez une partie de la classe qui a de très grandes difficultés de lecture et une autre partie qui lit très bien, il est très dur de faire progresser tout le monde. Donc j’assume, sur le français et les mathématiques, à partir de la rentrée prochaine, en classe de 6e et de 5e, qu’il y aura des groupes de niveau selon le niveau de chacun, avec pour objectif qu’ils puissent progresser.

France Bleu – Wendy Bouchard

Et vous, Jean-Rémi Girard, en tant qu’enseignant, vous allez devoir assumer cette mesure, que Gabriel Attal assume. Comment anticipez-vous les choses ?

SNALC – Jean-Rémi Girard

C’est ça. Alors, si on assumait réellement, on mettrait les horaires nécessaires pour mettre en place les groupes, on donnerait les moyens horaires. Sinon, on n’assume qu’à moitié, très clairement. Nous avons tout tenté au ministère pour dire que le calendrier allait beaucoup trop vite, que ce qui nous avait été promis, à savoir une approche individualisée, collège par collège, pour voir ce dont chaque collège a besoin, n’a absolument pas été fait.

France Bleu – Wendy Bouchard

Vous en avez encore parlé hier au conseil supérieur de l’éducation ?

SNALC – Jean-Rémi Girard

Oui, bien sûr. D’ailleurs, il n’y a pas eu une seule voix pour la grille horaire du collège. Donc même nous, qui sommes d’accord avec Gabriel Attal sur une partie des constats qu’il a donnés sur l’hétérogénéité excessive dans des classes surchargées, constat avec lequel nous sommes entièrement d’accord et qui constitue même notre point de départ de notre réflexion. Mais ce qu’il met en place, sans les capacités pour le faire correctement, nous avons plein de collèges qui nous remontent des situations où l’on va supprimer les dédoublements en sciences, fermer le latin, supprimer l’allemand. Dernièrement, j’ai eu un exemple de cela, pour mettre en place ces groupes de niveaux. Il y a des endroits où il n’y a aucun moyen pour les élèves les plus en difficulté dans le collège, c’est-à-dire qu’on va s’embêter à faire des groupes de niveaux de 28 élèves, avec des élèves considérés comme moyens et comme bons, ce qui va perturber les emplois du temps de tout le monde, sans aucun bénéfice pédagogique dans ces établissements-là. Donc le travail n’a pas été fait, et c’est vraiment extrêmement agaçant, car même une idée intéressante au départ, l’Éducation nationale s’arrange toujours pour la gâcher dans la suite.

France Bleu – Wendy Bouchard

Oui, et puis on en parle de cette mise en place des groupes de niveaux, comme l’a mentionné le Premier ministre, pour septembre, donc la rentrée prochaine pour les classes de 6ème et de 5ème.

«…Donc le travail n’a pas été fait, et c’est vraiment extrêmement agaçant, car même une idée intéressante au départ, l’Éducation nationale s’arrange toujours pour la gâcher dans la suite. »
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC

[(…)Donc cette école, elle a une ministre, un président de la République et un Premier ministre. (Patrick Vignal, député Renaissance de l’Hérault)]

France Bleu – Wendy Bouchard

C’est ainsi que vous percevez les choses pour le SNALC et en tant qu’enseignant, Jean-Rémi Girard ?

SNALC – Jean-Rémi Girard

C’est bien joli, tous ces beaux discours sur l’école, c’est la priorité, je l’emporte avec moi, etc. Mais en réalité, on n’arrive plus à recruter d’enseignants. Nous n’avons jamais eu aussi peu de personnes qui se présentent au concours, même après avoir prolongé d’un mois la période d’inscription. Cette année, nous recrutons des contractuels à tour de bras. Bientôt, ils représenteront 10% des effectifs. Un professeur sur dix n’aura pas le concours. Voilà où nous en sommes, et pourtant, on nous demande toujours plus. En 2024, pas un euro de rattrapage salarial pour les enseignants. Nous allons continuer à perdre en pouvoir d’achat. Et sur ce point, depuis le début, rien de concret n’a été fait. Nous faisons face à la plus grande crise que l’Éducation nationale n’ait jamais connue. En effet, nous voyons défiler les ministres à un rythme effréné. Pendant ce temps, nous ne parvenons plus à susciter l’envie chez les gens de se tourner vers le métier d’enseignant. C’est une situation terrible pour un pays comme la France.

France Bleu – Wendy Bouchard

Nicole Belloubet, en prenant le relais d’Amélie Oudéa-Castera, a souligné ce matin l’urgence de renouer le dialogue avec les professeurs. En effet, vous avez beaucoup de choses à lui dire.

SNALC – Jean-Rémi Girard

Oui, nous avons évidemment beaucoup de choses à lui dire. Je connais Nicole Belloubet. Je l’ai côtoyée dans son rôle à l’Éducation nationale.

France Bleu – Wendy Bouchard

Ancienne rectrice de Limoges et Toulouse.

SNALC – Jean-Rémi Girard

Exactement, ancienne rectrice. Je ne l’ai pas connue à cette époque, mais je l’ai rencontrée lorsqu’elle était en charge du Choc des savoirs, avec Vincent Peillon, à cette époque-là. Effectivement, certaines mesures semblent étranges. C’est très surprenant de la voir les soutenir. L’uniforme, par exemple, c’est un peu comme si vous demandiez à Gandhi de prôner la violence. Ce n’est vraiment pas son style. Mais à un moment donné, la situation est tellement catastrophique que nous pensons qu’une ancienne rectrice, ayant une expertise technique, pourra rapidement saisir nos problèmes. Parce que, avec Amélie Oudéa-Castera et sa directrice de cabinet, nous avions l’impression de leur parler en mandarin. Il était très difficile de leur faire comprendre les problèmes rencontrés.

France Bleu – Wendy Bouchard

Nicole Belloubet a également été chargée par Jack Lang de rédiger deux rapports sur l’école, en 2001 et 2002. Le premier portait sur les violences sexistes et sexuelles à l’école, et le second sur les mesures pour l’avenir du lycée. Donc, elle connaît bien les enjeux. Ça fait 20 ans, mais elle reste impliquée dans le sujet, si j’ose dire. Jean-Rémi Girard, cela vous rassure-t-il ?

SNALC – Jean-Rémi Girard

Oui, oui, elle est au fait des enjeux. Cependant, elle a également exprimé des positions qui nous interpellent. J’ai entendu Nicole Belloubet dire qu’il fallait réduire l’enseignement disciplinaire, notamment en français, en mathématiques et en histoire-géographie, pour privilégier davantage de projets. C’est également une facette de Nicole Belloubet.

France Bleu – Wendy Bouchard

Il est question également de plus d’autonomie pour les élèves.

SNALC – Jean-Rémi Girard

Exactement. Maintenant, elle a un cadre qui lui est fixé, étant donné qu’elle a été rectrice. C’est un aspect important également. Donc, nous ne lui prêterons pas de mauvaises intentions. Dans tous les cas, cela ne pourrait pas être pire que la précédente. Nous attendons donc la demande d’audience. Nous attendons de voir ce qu’elle nous présente. Et nous lui rappellerons que la priorité… Certes, la pédagogie est importante, nous en convenons. En tant que représentant et enseignant, je sais que la pédagogie est centrale. Cependant, aujourd’hui, la priorité absolue est d’avoir suffisamment de personnel et des conditions de travail adéquates. Le dernier baromètre du bien-être dans l’Éducation nationale, publié par le ministère, est un véritable désastre.

France Bleu – Wendy Bouchard

Vous avez eu l’occasion d’en discuter ici. En effet, ce rapport sur l’état psychologique des enseignants est très préoccupant. Jean-Rémi Girard, président du SNALC et professeur de français, merci pour ces réactions spontanées alors que Nicole Belloubet est désormais officiellement chargée de l’éducation.

«…En 2024, pas un euro de rattrapage salarial pour les enseignants. Nous allons continuer à perdre en pouvoir d’achat. Et sur ce point, depuis le début, rien de concret n’a été fait. Nous faisons face à la plus grande crise que l’Éducation nationale n’ait jamais connue. En effet, nous voyons défiler les ministres à un rythme effréné. Pendant ce temps, nous ne parvenons plus à susciter l’envie chez les gens de se tourner vers le métier d’enseignant. C’est une situation terrible pour un pays comme la France. »
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC