Déclaration liminaire du SNALC au CSAA du 26 juin 2023
Madame la rectrice, monsieur le secrétaire général, mesdames et messieurs, l’ordre du jour de ce CSAA est chargé, puisqu’il combine la formation et le rapport social unique, qui avaient droit les années précédentes à un CTA chacun.
La déclaration liminaire du SNALC était brève la semaine passée. Elle sera plus longue cette fois.
La loi Haby de 1975, que le SNALC a dénoncée à l’époque comme étant une tentative de mettre en place le plan Langevin-Wallon, a effectivement abouti à ce que le SNALC craignait : la fin d’un enseignement de qualité et de culture générale. La soi-disant autonomie accordée aux EPLE en 1985 avec l’institution de la Dotation Horaire Globale, ainsi que la loi Jospin du 10 juillet 1989 ont poursuivi le processus en plaçant l’élève au centre du système, en créant les
cycles, en insistant sur l’éducation au détriment de la transmission des savoirs et des connaissances, en créant des tensions entre professeurs qui se battent tous les ans pour avoir un peu de cette fameuse autonomie, afin de pouvoir enseigner dans de moins mauvaises conditions, quand ce n’est pas pouvoir simplement enseigner leur discipline. L’École remplit de moins en moins sa mission première d’instruction, ce qui renforce les inégalités entre les
élèves qui sont livrés à eux-mêmes à la maison et ceux dont le contexte familial pallie le manque d’exigences scolaires. Les niveaux baissent, en français, en mathématiques, dans les classements PISA, TIMMS… Le parallèle avec la perte des heures d’enseignement échappe pourtant à notre ministère.
Notre pays a raté la massification de l’enseignement. Non seulement de nombreux élèves ne maîtrisent plus les savoirs fondamentaux, mais ils ne sont même pas heureux. Le bien-être dans les écoles, les collèges et les lycées se dégrade.
Que fait le ministère pour enrayer le niveau qui baisse ? Il propose des remédiations quand c’est trop tard, et continue à supprimer des heures de cours. On enlève la technologie en 6ème l’an prochain pour mettre en place un dispositif compliqué censé tout à la fois consolider ou approfondir en maths ou en français, le tout sur 1 heure de cours faite avec on ne sait combien d’élèves. Pourquoi ne pas donner des horaires suffisants à ces deux disciplines, dès le 1er degré ? Combien d’heures de français ont disparu en 50 ans dans une scolarité, entre 550 et 800 ?
Dans les LP, on propose des missions dans le Pacte pour faire du soutien, accompagner les élèves en décrochage, mais on continue de supprimer des heures de cours d’enseignement
général pour fournir un peu plus de main d’œuvre gratuite aux entreprises, dont beaucoup ne respectent pas leur obligation de formation. Ce n’est pas juste un manque de vision à long terme. C’est incohérent.
A quoi bon nous seriner depuis quelques années qu’il faut « rattraper » le mois de juin, allonger l’année scolaire jusqu’au 7 juillet et dans le même temps laisser les élèves partir en vacances de plus en plus tôt pour faire plaisir à leurs parents (même les élèves de 6ème n’attendent plus que leur conseil de classe soit passé pour se dispenser de venir au collège !). Le ministère est-il aveugle qu’il ne voie pas que les lycéens de terminale ont dans leur majorité déserté leur établissement depuis avril à cause des épreuves de spécialités placées en mars ? Est-ce pour arranger les choses que les élèves de seconde pourront désormais se dispenser de 2 semaines de cours pour participer au SNU ? C’est incohérent.
A quoi bon parler de harcèlement à l’École, si l’École participe elle-même à générer du mal-être, des violences et du harcèlement ? Pourquoi, encore une fois, vouloir remédier aux problèmes, au lieu d’éviter les risques ? On sait que l’exposition aux écrans est nocive pour les enfants, qu’un nombre toujours plus élevé d’entre eux passe un temps toujours plus important devant des écrans dans la sphère familiale. Sous couvert de réduire la fracture numérique, l’École propose d’augmenter cette exposition nocive. On fait de la prévention contre les réseaux sociaux interdits aux moins de 13 ans et autorisés aux moins de 15 ans seulement sous contrôle parental, en supprimant des heures de cours, tout en incitant les élèves à utiliser des ENT qui se présentent comme des réseaux sociaux. On interdit l’usage du téléphone portable dans les établissements scolaires mais on encourage leur utilisation dans certains cours. C’est incohérent.
Toutes ces incohérences ne trouvent du sens que lorsque l’on se dit que le but recherché est de détruire l’Éducation nationale, détruire le service public, pour contraindre toujours plus de citoyens à se tourner vers le privé. Les gouvernements successifs semblent penser que c’est la
seule façon de faire des économies. L’intérêt du pays, à travers ses futurs citoyens, passe au second plan.
Dès lors, on comprend mieux la paupérisation des personnels de l’Éducation nationale. On ne s’étonne plus du manque de considération grandissant, de l’abandon et du mépris qu’ils constatent à chaque réforme, voire à chaque fois que les ministres de ces dernières années
communiquent. Pour finir de détruire, on s’attaque aux statuts, on crée le Pacte, on fait croire qu’il n’y aura plus aucune heure de cours de perdue. Ça, c’est pour l’opinion publique, pour abuser les parents d’élèves crédules. Les professeurs, eux, savent bien que mettre un adulte
face à une classe, au pied levé, cela ne veut pas dire que ce sera profitable pour les élèves, parce qu’un cours, cela ne s’improvise pas, cela se prépare. Peut-être que certains parents y trouveront leur compte, ceux qui déplorent pendant les vacances d’avoir à s’occuper de leurs
enfants, ceux qui sont prompts à critiquer le travail des professeurs en se prenant pour des inspecteurs, ceux qui pensent que c’est très bien de prendre des heures de cours pour éduquer au lieu d’instruire, par exemple pour apprendre à monter et à descendre d’un bus. Les RCD sont présentés comme une baguette magique qui ne résoudra rien, en tous cas pas les absences prolongées, non remplacées, faute de remplaçants justement.
Les parents des enfants en situation de handicap, eux, ont compris qu’il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce que disent, et même écrivent les gouvernements. Ils font l’amère expérience, à chaque rentrée scolaire, du gouffre qui sépare la loi de 2005 et la réalité sur le terrain. Le chemin est long et compliqué avant d’obtenir un AESH, ou plutôt quelques heures d’accompagnement. Quand l’État va-t-il reconnaître qu’il s’est trompé ? Le SNALC le redit ici :
tous les élèves en situation de handicap n’ont pas leur place en milieu scolaire ordinaire. Certains ont besoin de structures adaptées, pour être pris en charge globalement, recevoir des soins et un enseignement. C’est un principe de réalité qui coûte cher puisqu’il suppose que l’État investisse dans la construction d’IME, d’ITEP…
Les gouvernements successifs étant dans une logique d’économies sur le dos des citoyens, cela
ne risque pas de s’arranger dans un avenir proche. Les professeurs qui s’engageront dans les missions du Pacte, en plus de leurs ORS actuelles, le feront, pour une grande partie, parce qu’ils y seront contraints financièrement. Parce que le métier d’enseignant n’est toujours pas
revalorisé à hauteur de ce qu’il devrait. Parce que les professeurs ne sont toujours pas payés
comme les autres cadres A de la Fonction publique d’État. D’ailleurs, le nombre de candidats
et de lauréats aux concours continue à baisser. Cela devient difficile de trouver des contractuels pour pallier ces carences, tous les personnels de l’Éducation nationale, quel que soit leur statut, quel que soit leur métier, étant de plus en plus maltraités par leur employeur. Il suffit de voir l’augmentation des RPS, des violences.
L’Éducation nationale prend l’eau de toutes parts : les personnels s’usent à pallier les manques, s’échinent à remplir au mieux leurs missions, sont fréquemment obligés de se battre pour essayer d’y parvenir, se rendent malades à écouter leur conscience professionnelle, et en plus,
trop souvent, se font malmener, insulter, dénigrer, frapper, etc. Des élèves, des professeurs,
des directeurs se suicident ; des élèves, des professeurs sont assassinés. L’École tue dans l’indifférence, car notre société s’habitue, zappe et oublie. Il paraît que professeur, c’est le plus beau métier du monde…