Déclaration liminaire du SNALC au CTA du 17 juin 2020

Chassez le naturel, il revient au galop! Le monde d’après le confinement ressemble fort à celui d’avant. Que reste-t-il aujourd’hui des belles paroles d’hier, des éloges sur l’investissement des professeurs et des personnels de l’Éducation nationale? De l’accueil des enfants des personnels soignants, où l’on avait trop de volontaires? De la continuité pédagogique mise en place sans préparation et sans filet, avec les moyens du bord, i.e. nos moyens propres ? Visiblement plus grand chose. L’ambiance est redevenue assez traditionnelle et, à défaut de reprendre le championnat de football, beaucoup se sont remis à l’un de nos sports nationaux préférés : taper sur les profs. Je dis «profs » car on nous attribue rarement le titre complet et on ne prend pas le temps non plus de citer les autres métiers du ministère, mais les CPE, AED, AESH, Perdir, ATSS, Psy-EN… sont bien sûr du voyage. De quoi serions-nous coupables, cette fois-ci ? Apparemment nous « renâclons ». Nous « rechignons ». Bref, nous ne voulons pas reprendre — ce qui nous permet de découvrir que nous nous serions arrêtés… bizarrement, nous n’avions pas remarqué. C’est évidemment notre faute si le protocole sanitaire n’a pas permis dans certaines écoles ou collèges d’accueillir tous les élèves en même temps.

Notre ministre, si souvent présent dans les médias, pourrait-il en profiter pour rétablir la vérité et dire à Mme Anne-Christine LANG, députée  LREM, qu’elle se trompe lorsqu’elle affirme que des « centaines de milliers » d’enseignants ne se sont pas sentis concernés et n’ont pas travaillé ? C’est insultant et blessant. Les personnels de l’Education nationale ne méritent pas ça. Vous le savez, Monsieur le Recteur, et nous avons apprécié toutes les fois où vous vous êtes adressé à nous pour nous soutenir. Le SNALC tient à vous en remercier.

Quoiqu’on entende dans les médias, la grande majorité d’entre nous appelle de ses vœux un retour à la normale. En effet nous n’en pouvons plus des heures passées devant un écran et au téléphone à maintenir le contact avec nos élèves et à entretenir leur motivation pour travailler. Nous avons fait bien plus que ce qu’exigeait notre service. Nous n’avons pas compté nos heures, avons utilisé nos propres moyens (matériel, abonnement…). Cette surcharge de travail couplée à la fatigue des écrans, le manque de déconnexion (internet, messagerie, téléphone y compris durant les week-ends) a clairement laissé des traces.  Vous comprendrez pourquoi le SNALC est réticent à ce que le nombre de formations à distance augmente au détriment des formations en présentiel. Le télétravail a été tout aussi difficile pour les personnels de l’Education nationale  que pour les salariés du privé. À cela s’ajoute le système hybride généré par le déconfinement où certains doivent faire de l’enseignement présentiel et de l’enseignement à distance.

Mais il est plus facile de nous jeter en pâture à ceux de nos concitoyens qui n’aiment rien tant que dénigrer les fonctionnaires. Cela permet de préparer tranquillement le terrain pour la réforme des retraites que l’on ne va pas tarder à voir revenir et pourquoi pas d’accélérer le changement en profondeur du métier de professeur, qui deviendra un simple exécutant au service du numérique. Après les amalgames réducteurs qui ont touché de plein fouet les forces de l’ordre, c’est au tour des enseignants d’être catégorisés comme ayant un défaut d’implication professionnelle généralisé. Gageons qu’on trouvera très bientôt quelque chose à reprocher aux personnels soignants. Face à ce phénomène, le SNALC défend plus que jamais nos métiers et continuera à se battre contre toutes les réformes qui ont pour but de les détruire et de nuire à l’intérêt des personnels et des élèves.

Suivant les déclarations du Président de la République à la télévision dimanche soir, notre ministre a donc annoncé lundi matin à la radio que tout le monde pourra ou devra, ce n’est pas forcément clair, remettre son enfant à l’école dès le 22 juin. Le protocole sanitaire sera donc assoupli. La distanciation physique évolue : il suffit d’un mètre latéralement entre chaque élève et tout ira bien, tous peuvent revenir en classe. Peu importe que certaines salles ne soient pas assez grandes, que nombre d’entre elles soient équipées de tables à deux places. Les directeurs d’école vont encore passer pour les méchants si le protocole empêche le retour de tous leurs élèves. La situation sera sans doute différente en collège.  Après avoir laissé aux parents le choix de remettre ou pas en classe leur(s) enfant(s) pendant plus d’un mois, et alors que tout le monde sait qu’en collège, après les conseils de classes, de plus en plus de parents décident de les en retirer, voire de partir en vacances avant la fin de l’année scolaire parce que les transports, les locations, sont moins onéreux que pendant la période officielle des vacances, comment ne pas trouver hypocrite le discours qui consiste à répéter que tous les jours d’école sont importants et que c’est donc la raison qui conduit à faire revenir en classe tous les élèves après le 22 juin ? Nous aurions bien aimé entendre ce discours les années passées, et en particulier en 2019 quand on nous a expliqué que les élèves de 3ème pourraient passer les épreuves du DNB en septembre s’ils ne pouvaient le faire à la date de repli décidée à cause de la canicule, parce qu’ils avaient prévu de partir en vacances avant la fin de l’année scolaire.

Concernant l’ordre du jour de ce CTA et en particulier le premier degré, depuis la mise en place de la formation mathématiques, le SNALC vous a alerté sur l’empiètement de cette formation sur la journée de solidarité et décomptée sur 2 demi-journées de prérentrée, imposant de surcroît des observations en classe. Les professeurs se sont retrouvés contraints d’abandonner des projets étalés sur deux années nécessitant des animations pédagogiques complémentaires, mettant ainsi un terme prématuré à leur investissement sur certaines formations, la formation Villani-Torossian atteignant parfois 27 heures. Les professeurs des écoles font assez d’heures supplémentaires non rémunérées comme cela. Il est dit « 100% des personnels doivent avoir bénéficié d’une formation personnelle sur tout ou partie de ces sujets sur la durée du schéma directeur » (page 3 « CTA FORMATION-projet 2020-2021 général »). Rien n’impose alors que l’intégralité du plan français soit traitée en une année, comme rien n’imposait que ce soit le cas pour le plan Villani-Torossian.

Et une formation imposée au chausse-pied, en dehors des heures d’enseignement, au-delà des 18 heures, est une formation pour laquelle l’assiduité va immanquablement laisser à désirer, comme le prouve le BSA 2018-2019. Le SNALC n’hésite pas à justifier ce manque d’assiduité par une démotivation évidente. Surtout lorsque le BO numéro 35 du 26 septembre 2019 (NOR : MENH1927275C ; Circulaire n° 2019-133 du 23-9-2019 ;MENJ  DGESCO C1-2  DGRH F1) précise que l’esprit de la formation est de proposer des services « adaptés aux besoins exprimés par les personnels. » Il faudrait dès lors garantir que la part de choix laissée aux personnels et les quotités horaires des candidatures individuelles seront suffisantes.

De même, relever les besoins de formations dans le premier degré en se basant sur les souhaits d’évolution exprimés dans les rendez-vous de carrière n’est pas forcément un moyen des plus justes en termes de gestion des ressources humaines. Qui osera écrire qu’il préfèrerait une formation conséquente au secourisme plutôt qu’une formation pour devenir PEMF, s’il vise une accélération de carrière ? Le relevé de besoins est faussé à la base.

Le SNALC s’étonne de voir que notre administration persiste dans la voie de la formation obligatoire chronophage avec un plan français qui va nécessiter temps et personnels. Nous vous rappelons que le SNALC a obtenu la priorisation des créations de postes devant élèves pour améliorer le taux d’encadrement, en lieu et place des créations de postes de conseillers pédagogiques, moins essentielles au vu du contexte actuel.

La priorité est aux élèves et à une rentrée des classes qui rattrapera retards et décrochages. Le SNALC a relayé bien en amont l’inquiétude légitime des conseillers pédagogiques en fonction qui ne pourront mener à bien leurs missions sans une dégradation importante de leurs conditions de travail (nombreux ajouts de missions sans octroi de temps supplémentaire). Le PAF 2020-2021 tel qu’il se présente aujourd’hui montre que personne n’en a tenu compte. Il était pourtant question de prévenir une souffrance prévisible des personnels.

Le temps est venu de faire des choix et de renoncer à une application aveugle d’injonctions ministérielles déconnectées du terrain. Une formation conséquente au numérique, au regard de la conscience professionnelle incommensurable dont les professeurs des écoles ont fait preuve afin d’assurer l’enseignement en distanciel aurait semblé plus adéquate. Mais cela risquerait sans doute de mettre en lumière notre honteux manque d’équipement numérique personnel, notre employeur n’y ayant jamais veillé et n’ayant pas avancé l’idée de nous équiper à la rentrée prochaine. Les professeurs sont soumis à l’obligation de résultats mais il semblerait que l’administration ne soit en aucun cas soumise à l’obligation de formation et d’équipement numériques de ses personnels. Pour le SNALC, les demandes institutionnelles doivent être reconsidérées et revues à la baisse pour permettre d’une part aux formations imposées et proposées de répondre aux besoins et d’autre part de respecter à minima les rythmes des personnels qui après avoir longtemps frôlé la surcharge, l’ont maintenant largement dépassée.

Le SNALC vous demande d’avoir le courage de protéger vos ressources humaines et de renoncer à des plans de formation qui ne feront qu’aggraver les risques psychosociaux.

Par ailleurs, nous souhaiterions nous aussi des précisions par rapport au nouveau protocole sanitaire car nous sommes très sollicités par des  personnels vulnérables qui se demandent ce qu’ils doivent faire le 22 juin.